Dans un déroulement quasi parfait, l’exposition sur la renaissance florentine au Louvre dévoile, trésor après trésor, le must de la sculpture de cette époque. Ghiberti, Michelozzo et autre Désiderio Da Settignano défilent somptueusement.

Donatello s’impose. Par le nombre de pièces et leurs qualités. Quel sculpteur ! Quel créateur d’images ! Les volumes incroyables, la souplesse, la virtuosité, la pure perfection formelle détachée du vieux hiératisme bizantin et moyenâgeux. Il regarde l’antique, mais comme un nouveau païen au service du progrès en marche, déjà individualiste, tourné vers son seul plaisir. C’est un vrai post-soixante-huitard, hédoniste mais travailleur, libéral, infatigable. Véritable jouisseur à la sensualité débordante. Tout ce qu’il fait est beau et tous ceux qu’il représente sont beaux, à se damner. De vrais mannequins pour Lagerfeld; la suavité et la douceur en plus.

On arrive à la fin du parcours. On en a pris plein les mirettes. On se rappelle toutes les belles phrases des doctes historiens de l’art sur ce moment exceptionnel de leur discipline, cette nouvelle école qui va embraser toute l’Europe. Et pourtant, à l’instant de sortir du Louvre, j’ai une impression de creux, d’ennui, de vide.

Je repense au petit panneau de Masaccio visible dans une salle, plus ancien, plus contenu, plus dense, plus vivant, plus vrai. Je repense à Giotto et Piero Della Francesca. Je repense à ce voyage à Florence de nombreuses années auparavant et ses Botticelli et Ghirlandajo secs comme des coups de trique; la beauté en bocal, découpée et reproduite comme du papier peint, écrasée sous le poids de l’image. Et puis dans la même salle du même musée le triptyque Portinari du flamand Hugo Van Der Goes, puissamment chamarré de teintes concises en formes hautement cernées et sensibles.

Et je me dis que Donatello et ses copains ont agi avec tout leur génie comme des nouveaux parvenus, trop heureux de l’optimisme ambiant pour pouvoir oublier que la recherche de la seule beauté dépossédée de sa charge tragique était bien vaine.