Monsieur Carpeaux, si l’on en croit les témoignages de l’époque, n’était pas un être très sympathique. Un caractère de cochon manifeste, doublé d’une énergie créatrice démesurée, un personnage intransigeant, absolu et pourtant très renommé dans les cercles du pouvoir, récompensé par les honneurs et les commandes officielles.

Chacune de ses oeuvres est bourrée à craquer de vie, d’intensité de vie. C’est aussi viscéral que la force du vent dans les arbres. Il y bruisse un souffle salvateur qui fait mousser et se tordre la matière. Ses esquisses, petits chefs-d’oeuvre admirables et si justes, tout comme ses nombreux portraits. Chaque personnage sculpté tend vers le spectateur son visage, mais plus que son visage, sa personnalité et son caractère. On a envie soudain de faire connaissance, de bavarder avec chacun d’eux et de mieux saisir l’animation intérieure qui semble les habiter. En les sculptant, Carpeaux les magnifie. Il nous les rend supérieurement humain.

Sa dextérité, son audace et sa sensualité l’emportent vers une expression qui ne doit plus rien à l’académisme bon teint et ennuyeux de son époque. Dés le départ, il regarde plutôt du côté des grands portraitistes du 18ème siècle. Mais par dessus tout, c’est Michel Ange  qui le passionne. Il abolit 3 siècles et fait ce lien qui nous mène directement à Rodin.

En peinture, il est sombre, par la couleur et par le propos. La matière fluide du médium lui permet des effets nouveaux. Des formes naissent, qui se diluent  et s’entrecroisent à la limite de l’abstraction. Une palpitation sidérante en jaillit et renforce l’élan dramatique des scènes représentées. « L’attentat de Béresowski » est un ballet de mouvements continus inouïs qui nous donnent à vivre en direct l’événement. Il se répercute dans tout l’espace de la toile et chaque parcelle peinte en porte la trace. C’est l’expressionnisme avant l’heure et une liberté de touche lâchée avec justesse comme autant d’esquisses abouties.

En apothéose funèbre, il se portraiture dans la douleur et crie avant Munch sa souffrance et sa déchéance. C’est crû, poignant et toujours aussi vigoureux.